L’ASMR, berceuse des jeunes stressés

L’ASMR, nouvelle technique de relaxation qui se développe sur Youtube, séduit de plus en plus de personnes, qui s’endorment au son des chuchotements, tapotements et bruits de pinceaux…

« Ça doit faire cinq ans que j’écoute de l’ASMR pour m’endormir, pratiquement tous les soirs. Sans ça, je n’arrive pas à m’endormir de la même façon », explique Jeanne (prénom d’emprunt), qui a commencé à en écouter sur Youtube en classe préparatoire. « Je cogitais pendant deux heures avant de m’endormir et comme chaque minute compte, il fallait que je trouve une solution pour m’endormir plus vite. »

L’ASMR, Automatic sensory meridian response, autrement dit réponse autonome sensorielle culminante, désigne une sensation que peuvent ressentir des personnes à l’écoute de pinceaux caressant un micro, de doigts tapotant sur des objets en bois ou de bruits de bouche.

Il n’existe presque aucune recherche scientifique sur cette sensation théorisée il y a une dizaine d’années. Mais ses adeptes la décrivent la plupart du temps comme un chatouillement agréable. « Ce sont des picotements au niveau de l’arrière du crâne, comme si on me faisait un petit massage des cheveux, détaille Mélissa. Plus la vidéo me plaît, plus la sensation descend tout au long de mon dos. Mon corps relâche la tension de toute la journée. » L’étudiante explique avoir déjà éprouvé un sentiment similaire lorsqu’elle était plus petite, dans  les endroits silencieux comme les bibliothèques. « Avec les vidéos d’ASMR, la sensation dure plus de deux ou trois minutes », affirme-t-elle.

 

Par extension, le terme ASMR désigne les vidéos de ces sons, publiées sur Youtube. Pour déclencher ces frissons, des Youtubeurs, appelés ASMRtists réalisent des vidéos où ils utilisent toutes sortes d’objets, chuchotent ou font des sons particuliers avec leur bouche. Leur objectif : relaxer leurs spectateurs, leur permettre de se détendre, voire de s’endormir.

Seule chose efficace

« L’ASMR répond à un stress dans la société qui n’est pas prêt de disparaître », estime Maxence, suivi par 200 000 personnes sur Youtube sous le nom de Made in France ASMR. Il prend très à coeur la réalisation de ses vidéos. « Il faut faire très attention et garder en tête qu’on va endormir le spectateur, ne pas le brusquer », explique le jeune homme qui se consacre entièrement à la création de vidéos ASMR après des études de cinéma. Il dit recevoir des messages de personnes en dépression et qui sont affirment aller mieux  grâce à ses vidéos.

Sur Youtube, des centaines de vidéos sont disponibles, dans plusieurs styles différents : les roleplays (jeux de rôles), les triggers (des sons spécifiques censés déclencher les frissons), des vidéos autour de matières ou d’objets précis. Assez surprenant voire déroutant, pour les non-initiés, de se retrouver face à une vidéo de 30 minutes pleine de chuchotements, tapotements et autres cliquetis.

Dans son studio d’enregistrement, Maxence stocke différents objets qu’il peut ensuite utiliser dans ses vidéos ASMR. ©Maryam El Hamouchi

Porte d’entrée du sommeil

L’univers de l’ASMR ne convient pas à tout le monde, beaucoup sont irrités par les bruits ou les chuchotements. Mais pour ceux qui sont réceptifs, l’efficacité ne fait pas de doute. « Pour réussir à m’endormir, j’ai tenté différentes méthodes de relaxation, les médocs aux plantes et quand j’ai trouvé l’ASMR j’ai arrêté le reste parce que c’était la seule chose qui était efficace », explique Jeanne.

L’efficacité de l’ASMR résiderait dans les sons binauraux : le fait que certains sons entrent dans une oreille et pas dans l’autre. Ce processus, qui modifie l’activité cérébrale, « peut être une porte d’entrée du sommeil », expliquait en mars Clémence Peix Lavallée, spécialiste du sommeil au Huffington Post.

Lisa, qui écoute de l’ASMR le soir depuis quatre ans, confie faire également de la méditation mais en période de crise d’angoisse elle préfère l’ASMR : « il y a des dialogues je peux me fixer dessus ».

« J’étais très stressée pendant mes études, je pensais que je n’allais pas y arriver, je ne dormais plus la nuit », raconte Roxane, infirmière.« Je prenais des neuroleptiques pour pouvoir dormir mais c’était compliqué parce que j’étais très fatiguée la journée. Il fallait que je trouve une solution naturelle. Au début j’ai trouvé ça bizarre et au final, j’ai continué et j’ai adoré. »

Aujourd’hui, elle est passée de l’autre côté de l’écran et réalise des vidéos d’ASMR. Pour elle, le succès est dû à l’accessibilité et l’efficacité de l’ASMR. « C’est une méthode nouvelle, ça intrigue, les gens essaient, en parlent autour d’eux et ne sont pas dupes, ils voient que c’est gratuit, pas besoin d’aller faire des spa, on peut se détendre à la maison. »

Les contenus sont disponibles directement sur Youtube ou sur Tingles, l’application dédiée à l’ASMR. De nombreux ASMRists proposent également des contenus payants à leurs abonnés ou mettent des liens dans leurs descriptions Youtube vers des cagnottes où leurs abonnés peuvent, s’ils le veulent, faire des dons.

Photo de couverture : Maryam El Hamouchi