Cinq nuances de nuit

Tantôt sombre et réaliste, tantôt lumineuse et mystique, la nuit a marqué l'histoire de la peinture. De Van Gogh à Manet en passant par des peintres plus confidentiels, découvrez cinq tableaux représentatifs de la vision nocturne des artistes selon leur époque.

Comment représenter la nuit ? Donner des couleurs à des heures si sombres ? Les artistes ont commencé à s’y intéresser seulement au 19e siècle.  Progressivement, la nuit devient un élément central de nombreux tableaux. Des impressionnistes aux symbolistes, aperçu de l’évolution de la nuit à travers l’histoire de la peinture.

  • Édouard Manet, Clair de lune sur le port de Boulogne, 1868

Le Clair de lune sur le port de Boulogne est un tableau réalisé par le peintre Édouard Manet en 1868, à l’occasion de l’un des séjours qu’il avait coutume d’effectuer en été à Boulogne-sur-Mer, ville maritime du nord de la France. La toile dépeint le retour d’un bateau de pêche à la nuit tombée et l’attente des femmes et marins au clair de lune.

Clair de lune sur le port de Boulogne, Édouard Manet, 1868
  • Vincent Van Gogh, La Nuit étoilée, 1889

Ce tableau de Vincent Van Gogh, peint en juin 1889, représente la vue depuis la fenêtre de sa chambre d’hôtel à Saint-Rémy de Provence, au sud-est de la France. Réalisé à un moment où le courant impressionniste montre de plus en plus ses limites, La nuit étoilée est qualifiée de postimpressionniste. Mêlant lumière et angoisse, le maëlstrom des nuages contraste avec la vie inspirée par le ciel étoilé caractéristique de Van Gogh.

La nuit étoilée, Vincent Van Gogh, 1889
  • Alphonse Osbert, Les chants de la nuit, 1896

Osbert se range dans la famille des impressionnistes. Il propose aux spectateurs une expérience : sortir de leur quotidien et voir des choses qu’ils ne peuvent pas appréhender d’habitude. L’artiste manifeste son désir d’indépendance et son refus de suivre le cours évolutif de l’art de ses contemporains. Dans l’idée du « bleu Klein », Osbert affiche une monochromie qui lui est caractéristique. Ses lignes très géométriques simplifient la figure humaine et participent d’une vision idéale et spiritualisée de la nature. Avec ce genre de tableau, Alphonse Osbert s’affirme avec une personnalité artistique forte et originale dans une époque dominée par le matérialisme.

Les chants de la nuit, Alphonse Osbert, 1896
  • Auguste Elysée Chabaud, Hôtel-Hôtel, 1908

Chabaud est, dans le secret, le peintre des nuits parisiennes. Au début du 20ème siècle, il invente un vocabulaire plastique : rues aux contrastes prononcés, enseignes criardes de cabarets à Montmartre, hôtels, etc. Chabaud synthétise les éléments pour donner au spectateur la sensation d’être un passant au regard stimulé de toutes parts. Ainsi, son oeuvre Hôtel-Hôtel anime la rue bien plus qu’auparavant notamment grâce à l’appel des néons Hôtel-Hôtel, comme une tentation répétée par l’écho et le clignotement. Chabaud fait vivre la nuit.

Hôtel-Hôtel, Auguste Élysée Chabaud, 1908
  • Peter Doig, Milky Way, 1990

Peter Doig s’est attelé à faire ressortir un sentiment de gigantisme face à l’immensité de la voie lactée, ici dédoublée par son reflet dans l’eau. Issu du courant réalisme magique, l’artiste britannique compose un paysage tout en longueur où l’échelle est cruciale. La Terre a disparu, réduite à une fine ligne d’horizon blanche. Au centre de l’image, un petit canoë à la dérive, probablement inspiré par la scène finale du film d’horreur Friday the 13th (1980), donne encore plus d’ampleur à la volonté du peintre de montrer la démesure de la nuit . Dans ce rapport d’échelle, on retrouve notamment la puissance mystique de la nature exprimée par Friedrich, Van Gogh ou encore Munch.

Milky Way, Peter Doig, 1990

 

Maxime Ducher