Une poignée de restaurants sont ouverts toute la nuit à Paris. Une activité rentable dans les quartiers fréquentés, mais qui nécessite des précautions.
« On avait faim, il était tard et c’était le seul truc ouvert », confie en souriant Marie. Il est 2 heures du matin et avec son copain, elle vient de s’installer à une table du Tambour pour manger une andouillette. Ce restaurant du premier arrondissement de Paris est l’un des rares établissements de la capitale ouverts en continu, 24h/24. En plein milieu de la nuit, ils sont une trentaine à dîner ou boire un verre dans ce lieu exigu aux banquettes rouges et tables usées. Les assiettes de steak/frites et de pieds de cochon défilent depuis la cuisine pendant que des pintes se remplissent au bar.
La clientèle est amenée par les petits creux du milieu de la nuit, les fins de soirée, mais aussi les grosses faims de fin de service. Beaucoup de restaurateurs et de serveurs qui terminent à 2 heures viennent manger un morceau avant d’aller se reposer. « Tous les mercredis soirs, en sortant du travail et avant de rentrer chez moi, je me permets un petit pied de cochon ici », raconte Samuel, serveur dans une brasserie située à deux pas du Tambour. « La vie de nuit est en train de disparaître », déplore le serveur qui aimerait voir des quartiers dédiés à la vie nocturne dans la capitale. Il en aura pour une quarantaine d’euros pour son plat, un dessert et un demi-litre de rouge.
« Un quart du chiffre d’affaires »
« On fait notre plus gros pourcentage la nuit », glisse Noël, en lavant ses verres derrière le bar du Tambour. Responsable depuis 11 ans, le barman baraqué préfère ne pas donner plus de chiffres. Comme dans d’autres restaurants, la carte et les boissons sont plus chères la nuit. « Le demi de bière est à 2,2 euros la journée et il passe à 4 euros la nuit », indique-t-il. Une addition « un peu excessive » pour Farid, qui dit avoir payé sa pinte et celle de son amie 17 euros. « On est venus parce qu’il n’y avait rien d’autre ouvert et on avait envie de boire un verre », ajoute ce client, légèrement alcoolisé.
Dans le huitième arrondissement de Paris, à la Maison de l’Aubrac, plus de 200 couverts en moyenne sont servis entre minuit et 8 heures. Un quart du chiffre d’affaires, selon le maître d’hôtel. « Samedi, on a fait 25 000 euros dont 8 000 euros de 2h à 8h », affirme-t-il. Mais la rentabilité dépend des nuits. La Maison de l’Aubrac est ouvert 24h/24, quatre fois par semaine. Les nuits du vendredi au samedi et du samedi au dimanche permettent de rentrer dans les frais. « Mais seules 40 % des nuits du jeudi au vendredi sont rentables », ajoute-t-il.
La préfecture, qui délivre les autorisations d’ouverture de 2h à 5h du matin, n’a pas souhaité communiquer à Nox le nombre de restaurants ouverts la nuit. Une bonne douzaine de restaurants se partageraient le créneau du 24h/24. La plupart dans des endroits fréquentés et/ou touristiques de la capitale : Champs-Elysées, Bastille, Halles, qui permettent d’attirer des mangeurs noctambules.
Une clientèle nocturne pas toujours facile à accueillir
Travailler de nuit peut aussi apparaître comme un avantage pour les serveurs. « C‘est plus intéressant parce qu’ils gagnent plus de pourboire », estime Rabah, gérant du Rey, un restaurant situé à Voltaire, dans le onzième arrondissement. Ici, les boissons sont majorées de 1 euro la nuit. Julien, serveur depuis 11 ans, abonde : « La journée on a entre 20 et 40 euros de pourboire. La nuit, c’est le double, facilement 40 euros de plus. »
Mais si les recettes sont plus importantes, les frais le sont également. « Deux personnels en plus dans l’équipe, et il faut bien payer les employés même s’il y a des heures creuses », explique Audrey Menadier, responsable au restaurant Au Cadran, situé à proximité du Rey. En plus du personnel, la plupart des restaurants emploient des vigiles pour assurer la sécurité du créneau entre deux heures et cinq heures du matin. « Généralement, on paye 30 euros de l’heure à l’agence de sécurité. »
Il faut aussi être prêt à accueillir une clientèle nocturne, pas toujours facile. Si Julien a apprécié les pourboires l’année où il travaillait de nuit au Rey, il préfère cependant travailler la journée « parce que la nuit, les gens sont spéciaux ». Tous les restaurants citent l’alcoolisme comme principal inconvénient à l’ouverture de nuit. « Il faut faire attention aux nuisances, au bruit. Les gens sont de plus en plus durs à mater. Les personnes alcoolisées, parfois elles sont sympas, parfois c’est gênant, donc il faut gérer ça », explique Noël, qui gère le bar du Tambour avec ses deux collègues et sans vigile.
Lassés de ces frais supplémentaires, mais aussi des particularités des clients nocturnes, les gérants d’Au Cadran ont décidé d’arrêter d’ouvrir la nuit il y a deux semaines. « On voulait avoir une clientèle hors nuit qui vient dîner à des horaires corrects et pas à 2h du mat dans des états pas corrects », détaille Audrey Menadier, qui estime que le fait d’être fermé la nuit n’a pas eu d’incidence sur le chiffre d’affaires. Même discours pour Patrick Peyrau, barman au restaurant Les Deux Savoies, dans le 12ème arrondissement, qui a arrêté d’ouvrir la nuit. « Pour moi c’est une bonne chose que nous fermions pendant la nuit. Quand vous ouvrez sur ces horaires, vous faites du social, vous accueillez les camés et les saouls. »