Face à la concurrence d’Internet, les célèbres sex-shops de Pigalle souffrent. Si certains baissent les bras, d’autres innovent pour survivre.
« Nous, on n’est plus à la mode », se désole Mourad. Dans son magasin de Pigalle, à l’entrée masquée par deux lourds rideaux en velours pourpre, aucun client n’examine les rayons. Il est 23 heures, mais quelques années plus tôt, les visiteurs nocturnes se pressaient dans ces boutiques du boulevard de Clichy, au nord de Paris. Le vendeur a les yeux rivés sur un match de foot diffusé sur un écran qui surplombe les accessoires érotiques. « C’est très calme, on ne vend plus comme avant », explique-t-il.
Dans ce magasin, qui permet aux clients de regarder des films pornographiques dans des cabines individuelles, le temps semble s’être arrêté. Le responsable : Internet et ses prix toujours plus attractifs. On y trouve de tout, à portée de clic, depuis son salon. Selon une enquête Ifop menée en 2017, près de deux tiers des Français achètent maintenant leurs sex-toys en ligne, au détriment des sex-shops. « Sur Internet, il y a toujours de nouveaux produits qui sortent, dans de nouvelles matières, ça change tout le temps. On ne peut plus faire face à la concurrence. » Mourad n’est pas le seul. À Pigalle, en quinze ans, plus de la moitié des sex-shops ont fermé boutique.
Face à ce constat, certains magasins font de la résistance, et veulent changer l’image des sex-shops de Pigalle. Loin des boutiques sombres, à l’hygiène douteuse, certaines enseignes misent sur le chic et la qualité. Enzo est vendeur un peu plus haut, boulevard de Clichy. Entre deux sex-shops aux néons fatigués, sa petite boutique très éclairée, aux murs blancs, se détache dans la nuit. À l’intérieur, les différentes teintes de rose attirent l’oeil. Un tapis rouge accueille les curieux. Les accessoires et jouets érotiques sont alignés pour séduire une clientèle bien particulière. « Ici, on a un côté très axé femmes, avec de beaux rayons, de jolies boîtes. On va attirer un public qui n’a pas forcément une super image des vieux sex-shops un peu old school », explique Enzo en jouant avec ses bagues.
Séduire un public frileux
Le jour, les quelques touristes étrangers de passage assurent un minimum de ventes. La nuit, place à un nouveau public, plus timide dans ses achats. Alors, pour survivre, les sex-shops mettent l’accent sur le conseil. « Bien sûr qu’on ressent la concurrence d’Internet », répond Enzo. « Mais ici, on compte plutôt sur des clients qui débutent, qui ont besoin de recommandations. Et puis si tu as un problème avec ton sex-toy, tu peux revenir sur place. Ici, c’est le contact client/vendeur qui sauve un peu la chose ! »
Même ambiance décontractée chez Guy. À l’entrée de la boutique, de la lingerie et des déguisements sexy. Plus loin, des menottes, des cravaches, des jeux de société érotiques. Et enfin, un mur de sex-toys. Guy travaille ici depuis deux ans. « Les produits sont déballés, on peut les manipuler, les activer. C’est très important pour quelque chose qui touche au corps et à l’intimité d’une personne. Sur Internet, il n’y a qu’une photo. Je compare souvent ça au hamburger McDonald’s. Il n’a jamais la même tête dans la boîte que sur la photo ! », raconte-t-il en souriant.
Face à l’évolution des pratiques et aux nouveautés proposées en permanence sur le web dans le secteur du sexe, le patron de Guy projette de passer à la vitesse supérieure. « On travaille actuellement sur un site Internet pour vendre nos produits. Il faut savoir s’adapter si on veut continuer ! » Stratégie digitale, community management et même création d’une application, aucune facette n’est négligée pour pouvoir répondre à la demande et atténuer la concurrence de sites comme Amazon ou Ebay. « L’important, c’est que même sur Internet, on arrive à réintégrer le conseil client. Parce que c’est ça qui nous différencie des autres », conclut Guy.