On le garde toute une vie mais il suffit parfois de quelques secondes pour le choisir. S’il reste un souvenir plus ou moins heureux, le tatouage en soirée peut vite devenir un cauchemar…
Il est 3h du matin, tu viens de terminer ton septième verre de gin tonic. Et là, quelqu’un sonne à la porte. Un voisin fatigué par le bruit de la musique ? Un invité en retard ? Un livreur qui ramène quinze margheritas ? Que nenni. Il s’agit en fait de Fred, un ami d’ami qui ramène sa machine à tatouer. Ni une ni deux, tu décides de franchir ce pas que tu as si souvent hésité à enjamber. Cette histoire t’est peut-être déjà arrivée. C’est en tout cas plus ou moins celle de ceux qui ont accepté de nous confier leurs aventures nocturnes (et tatouées).
« On dirait que je l’ai fait au stylo »
« C’est ma pièce maîtresse », s’amuse Jessy. En avril 2016, après une soirée sur la place de la République pour Nuit Debout, ce jeune Parisien regagne son appartement où son colocataire organise une soirée. « Un ami s’essayait au tatouage », se souvient-il. « Il avait amené sa machine à tatouage, j’ai voulu essayer. J’ai commencé par me faire moi-même une croix en bas à droite sur le ventre. C’était pas glorieux, ça m’a fait super mal ! »
Une semaine après, toujours en soirée, Jessy décide de rectifier le tir et tente de recouvrir sa croix. Ne sachant pas dessiner, il choisit de se tatouer un stickman (les petits bonhommes “en bâton“). Mais l’encre est de mauvaise qualité. « On dirait que je l’ai fait au stylo, cela m’a valu quelques moqueries. Certaines filles sont même un peu surprises », conclut-il en souriant. Heureux de ce tatouage, il décide de continuer sa série de stickmans en se tatouant seul dans d’autres soirées en plaçant son personnage dans différentes situations. Mais l’encre s’effaçant petit à petit, il décide donc de les refaire par un professionnel en salon. « On peut lire ça dans plusieurs sens. Mon bonhomme est envoyé par les extraterrestres, il boit un coup puis se fait ensevelir dans une vague… ou l’inverse ! Chacun peut se faire son propre récit ! ».
Jessy est loin d’être un cas isolé. Se faire tatouer par un pote amateur est monnaie courante pour de nombreux fêtards. L’été dernier, Cyril discute « un peu pété » avec un de ses amis. « On s’est mis d’accord pour que je me fasse tatouer le lendemain matin par un pote», explique-t-il. « Lorsque je me suis réveillé, je me suis tout de suite dit : « Eh merde… dans quoi je me suis embarqué…“, mais je m’étais engagé.» Cyril choisit alors de tenir parole et se fait tatouer derrière le bras le même motif que ses amis, les initiales du Havre, leur ville natale.
Mathieu aussi a décidé de rendre hommage à son pays, la Suisse, à travers son tatouage nocturne. La décision a été prise le 1er août, jour de la fête nationale du pays. Il prend la décision après une bonne fondue, quelques verres de blanc et de Damassine, une liqueur locale. Une amie tatoueuse s’en charge dès le lendemain. Mathieu n’a jamais regretté ce tatouage sur l’avant-bras gauche. « C’est au contraire l’un de mes préférés, affirme-t-il. C’est mon tatouage 100% suisse ! ».
« Penses-y à deux fois »
Mais ces aventures arrosées ne finissent pas toujours aussi bien. Lors d’une soirée en Pologne (son pays d’origine), Yann décide de se faire tatouer un triangle sur chaque avant-bras par une rencontre de soirée. « Je crois que quelques jours ou semaines plus tôt j’avais vu une photo de Jared Leto (acteur et chanteur, ndlr) avec des tatouages similaires, se souvient-il. Cette image a dû réapparaître dans mon inconscient ». Si les jours qui suivent, Yann ne regrette pas spécialement son acte, il commence à prendre conscience de son erreur à la fin de la cicatrisation. « Je me suis rendu compte que le tracé des deux triangles était dégueulasse… J’ai décidé de les remplir entièrement en laissant en négatif “THINK TWICE“ : penses-y à deux fois ». Ce qui ne l’a pourtant pas empêché de réitérer la même expérience un an plus tard lors d’un voyage étudiant à Prague : une forme circulaire qu’il inscrit sur l’avant-bras. Expérience concluante cette fois-ci.
Même aventure il y a un an et demi pour Imane, 22 ans, originaire d’Aix-en-Provence. Au cours d’une soirée arrosée, elle rencontre une tatoueuse venue spécialement pour le festival du tatouage à Marseille. Elle accepte de se faire tatouer le même motif avec une amie : une main squelette et une main normale qui se lient à l’auriculaire. Mais elle en garde un mauvais souvenir. « Il a très mal vieilli », se désole-t-elle. « Les traits se sont épaissis, ce n’est pas très beau. J’ai pensé à le recouvrir mais le nouveau tatouage devra avoir une taille double par rapport à l’ancien. Cela prendrait une grosse partie de mon bras… » Imane ne connaissait pas cette personne, elle ignore même si elle était vraiment professionnelle.
Selon Alexias, tatoueuse à Montpellier, la plupart des tatouages nocturnes sont réalisés par des amateurs : « Nos règles d’hygiène nous empêchent d’accepter un client éméché. Avec l’alcool, le sang se fluidifie et l’encre n’entre pas correctement dans la peau. La cicatrisation est aussi compliquée, cela forme des croûtes qui effacent un peu le tatouage ». Certains professionnels adaptent même leurs horaires. Un des collègues d’Alexias proposait des tatouages de nuit, avant de se rétracter, faute de clients sobres.
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